42ème jour: Libérez Chiquita!

Photo de Paul Ijsendorn ©

Lors de mes rares voyages, j’ai élu domicile dans des gargotes comme dans des palaces.

Les deux derniers toîts étoilés sous lesquels j’ai dormi avaient des cages.
Pour offrir à l’oeil vacancier, le spectacle exotique d’un animal enfermé.
Le coeur de l’hôte et du touriste restant, l’un pour l’autre, étranges et impénétrables, la bête captive scandalisait le visiteur plus qu’elle ne l’amusait.

Ainsi, Chiquita est une petite femelle capucin qui vit dans une prison tunisienne de 2m².
A vrai dire, son incarcération est la seule chose qu’elle ait d’attendrissant.
Nos regards émus ne trouvent aucune réponse chez elle.
Tout au plus pourra-t-on observer que ses doigts se sont... comment dire... perdus quelque part dans ses orifices.

Un après-midi, alors que le gardien avait ouvert la cage pour nourrir la bête, mes amies et moi nous sommes approchées de Chiquita et lui avons soufflé « C’est maintenant ou jamais ! » . Sans un regard pour notre héroïsme, le singe a tendu sa petite main vers sa pitance, tandis que le maton nous écartait en criant « Attention ! », et refermant la porte d’un coup sec.


Dépitées, nous nous sommes contentées, le jour de notre départ, d’offrir quelques bananes à la gloutonne.


Il paraît que Chiquita avait déjà tenté de s’évader, il y a quelques années. La jungle urbanisée du parc de l’hôtel l’avait terrorisée et elle avait fini par rentrer, penaude, dans sa prison dorée.


Aujourd’hui, je suis de retour en Suisse, où les animaux en cage provoquent l’émoi et la révolte des bien-pensants. Parfois, je pense à Chiquita.

- Santé, ma soeur ! A nos prisons dorées !