31ème jour: In the still of the night

Photo de Marc Courdier ©

"La liberté n'existe que là où l'intelligence et le courage parviennent à mordre sur la fatalité."
Roger Caillois
L'incertitude qui vient du rêve

Une fois de plus, je devrais dormir du sommeil du juste... récupérer pour que demain, à l'heure où mes congénères sont en pleine activité, je puisse à mon tour participer au travail de la ruche.

J'ai dû être un hibou dans une vie antérieure.
Depuis mon plus jeune âge, j'ai toujours préféré les petites heures de la nuit, quand les bons et les méchants renoncent à leurs desseins, pour s'abandonner dans les bras de Morphée.

La nuit m'appartient.

Quand les gestes sont lourds et que chaque bruit provoque le sursaut. Mes pensées semblent avoir une existence autonome. Toute la journée, elles attendent que je relâche mon étreinte pour mieux prendre leur envol.

Les accrocs des heures précédentes s'éliment dans l'obscurité. Mes grincements de dents s'attendrissent et deviennent sourire engourdi. Ma vision s'embue... Et naissent des chimères, dont j'ignorais pourtant l'existence. Dans le silence, il y a toujours un ronronnement quelque part, un chat ronflant dans le coton, tic-tac de l'horloge dont les aiguilles semblent assoupies, gémissement de la bouilloire qui couve un breuvage soporifique.
Dans l'ombre, je deviens petite sorcière. Dans mon chauderon, des velléités d'héroïsme, des désirs culottés, une infatigable insolence, un sans-gêne inégalé. Quand j'ai fini de ricaner de mes viles intentions, de mon inhumaine mesquinerie, je me découvre dans un détachement souverain, une infinie tendresse pour tout ce que mes yeux perçants observent.

Les premiers chants d'oiseaux sonnent à mes oreilles comme les douze coups aux oreilles de la citrouille. Je m'enfonce dans un amas de draps et de couverture, sans me retourner.

Tard dans l'après-midi, quand le soleil s'est depuis longtemps levé, j'ouvre des yeux brillants d'aplomb et, avec un appétit d'ogresse, me dirige vers le reste du jour.