26ème jour: Lead us into temptation

"Je joue avec la vie, madame ;
elle n'est bonne qu'à cela."
Voltaire
Correspondance

Pendant quelques jours, la technique refusait d'obéir à mes ordres.
J'ai donc mis le couvert sur mes élans à votre égard.
Mettre le couvert sur ses élans à la Saint-Valentin...
Une année, un homme avec qui je jouais au chat et à la souris* m'a proposé que nous célébrions ce culte de l'amour préfabriqué, en allant faire le gué dans les stations services, à la tombée de la nuit.
... On y voit un défilé d'hommes cravatés, hors d'haleine, et prêts à tuer pour le dernier bouquet de fleurs en magasin. Il en va du retour du sourire sur le visage dépité de leurs épouses oubliées.
- des fleurs défraîchies, ai-je un jour ajouté, en décrivant la scène - que je n'avais pas encore vue, à des amis.
"Pas du tout"ont rétorqué mes auditeurs masculins, offusqués, "ce sont des bouquets congelés!"
Ils y étaient.
Je ne suis jamais allée voir la cavalcade des maris étourdis un soir de Saint Valentin. J'ai sans doute attendu près du téléphone que mon galant de l'époque pose sur mes lèvres le baiser qui me sortirait de ma torpeur.
J'ai beau me payer la tête de Saint-Valentin, je n'apprécie guère quand il me laisse sur le carreau.
Cette année, je n'ai attendu personne près du téléphone. J'ai essayé de vous écrire, un billet d'amour, un billet d'humeur. Et les embarras techniques sont arrivés.
Pourtant ce soir, pas de mots congelés. Des mots tout chauds sortis du four, car s'il est une seule vertu à ce sacro Saint-Valentin, c'est peut-être de m'avoir initiée aux délices de l'expectative. Attendre. Etre tentée. Attendre encore. Et soupirer. Comme un plat qu'on laisserait mijoter, des heures durant, où rêver à la perspective des régals à venir est presque aussi savoureux que la bonne chère elle-même.
Parfois même davantage...
Mon Dieu, ne me délivre pas de la tentation.
*oui, c'est de toi que je parle!

Photo de Picture by Nara Vieira da Silva Osga ©26ème jour: Lead us into temptation