110ème jour: According To You
Photo de Alex Glickman a.k.a Rundadar ©
«Ce qui va mal,
ce n'est pas le monde,
c'est notre manière de le regarder.»
Henry Miller
J’ai honte de le dire
Mais je crois
Que je suis
Une vraie citadine.
J’ai grandi
Dans une riche banlieue
A l’ouest d’une petite ville.
Une de ces banlieues
Où l’on jouait dans les champs
Avec les copains du quartier.
Les herbes hautes
Nous semblaient gigantesques
On s’y perdait
On s’y cherchait
Et « l’école buissonière »
Sonnait à nos oreilles
Comme une invite familière
Pourtant, ma première nuit
A la ville
Je l’ai passée
Le visage penché
Au-dessus de la fenêtre
A regarder les voitures
Défiler
Leurs phares
Balayant le boulevard
Leurs klaxons
Réveillant les morts
Oui, bon, j’avais peur.
J’avais eu, à peine
Dix-huit ans
Pour apprendre à
Battre de mes ailes
Et la chambre
De l’appartement
Que je partageais
Avec six inconnus
Etait mon dernier refuge
Avant de plonger
Dans la vie d’adulte.
Je retenais mon souffle
Et je regardais les voitures.
Jamais elles ne dorment.
Alors,
Nos nuits sont devenues
Complices.
Je suivais leur tracé
Lumineux
Et immanquablement
Mon regard
Rencontrait
Une fenêtre
Où s’agitait
Quelque vie humaine.
J’ai appris
A reconnaître
Le bruit des
Couverts
Qui raclent les assiettes
Quand tout le monde dort
Je connais entre tous
L’eau d’une vaisselle noctambule
Le ronron d’une lessive
Impatiente.
Quand tout le monde
S’est assoupi
Et que seuls
Les moteurs
Bercent le silence
Je me sens vivante.
J’ai honte de le dire
Mais je crois
Que je suis
Une vraie citadine.