28ème jour: Keeps you Alive
Photo de Arjun Chennu ©
"Quelqu’un qui va partir ne le dit pas.
Il part et c’est tout.
Celui qui parle veut rester. "
Alain Monnier
Les Ombres d’Anna
Assez régulièrement, l'un de mes amis prend un air solennel, et m'annonce qu'il va partir.
L'un d'entre eux m'a annoncé une bonne demi-douzaine de fois que "cette fois, il partait".
Une bonne demi-douzaine de fêtes furent donc organisées à l'occasion de son "départ définitif". Arrosées de vin, d'offrandes et de larmes.
Est-ce utile que je vous dise qu'il n'est jamais parti?
Ou du moins est-il toujours revenu.
Plus tard, nous lui avons suggéré d'appeler ces sorties de scène catégoriques des "vacances". Histoire de faire l'économie de quelques adieux déchirants.
Aujourd'hui, je regrette d'avoir cessé de croire à ces séparations ultimes.
Même si je reste sceptique quand l'un de mes proches m'annonce qu'il pense à mettre les voiles, démissionner, foutre le camp, quelque chose en moi se met à sourire. Pas de façon narquoise ou sardonique, mais avec chaleur et émotion.
J'écoute mon interlocuteur me parler des horizons qu'il rejoindra bientôt, leur grâce et leur grandeur, tous les rêves qu'il y réalisera. Et mes rêves s'animent à leur tour, se pressent au portillon de mon esprit, réclament d'être poursuivis et matérialisés. J'aime voir la lueur qui éclaire le regard de mon ami et je feins volontiers un désarroi sans précédent à la perspective de cette désertion imminente.
Le plus souvent, l'ami en question ne s'en va pas, ou du moins pas beaucoup plus loin qu'en "vacances". Mais son retour parmi nous s'accompagne des fanfares de ceux qui viennent de percer un mystère. Quelque chose comme ouvrir les yeux après un très long somme. Retomber amoureux de sa vie.