14ème jour: Do you see what I mean?

"Quand on sait entendre, on parle toujours bien." (Molière, Extrait de "Les Femmes savantes")

Aux mots articulés, je préfère les écrits.
Manuscrits, callygraphiés, peut-être. Dactylographiés, de préférence.
Le caractère impersonnel des caractèrs imprimés m'inquiète moins que le risque de n'être pas vraiment entendue.

Car les mots parlent à qui sait les entendre, et l'empreinte laissée sur la page me semble offrir à celui qui les lit davantage de temps et d'espace pour prêter l'oreille.

Remarquez combien certaines conversations résonnent en vous comme si vous n'étiez qu'un réceptacle creux et vide de sens. "Je n'ai rien à dire", s'accuse-t-on. " Je n'ai pas assez de connaissances à ce sujet", "Je manque de culture, ne suis pas assez érudit, mes centres d'intérêts sont trop limités". Tels sont du moins les reproches que vous vous faites peut-être comme moi.

En d'autres occasions, l'échange vous anime comme l'on met le feu aux poudres, l'étincelle faisant bientôt place à un feu nourri, que rien ne semble pouvoir éteindre. Les idées foisonnent, s'enchaînent et s'additionnent. La réponse de votre interlocuteur éveille en vous un sentiment d'abondance et de richesse intarissables, l'éclat dans ses yeux confirmant la réciprocité du plaisir.

Ma vacuité ou mon envie de dire ont pourtant davantage à faire avec la qualité de l'écoute, la mienne comme celle de mon interlocuteur, qu'avec l'érudition qui nous fait peut-être défaut. Une forme d'attention, de concentration,. Une certaine disponibilité, "avoir le temps", sans doute.

Avant tout, bien entendre me semble lié à la capacité d'accueillir l'expérience intime de l'autre comme le jumeau du chemin que j'ai parcouru. Les obstacles étaient différents, la manière dont je les ai contournés m'était toute personnelle et pourtant je reconnais dans le discours de l'autre les formes et les couleurs qui sont universelles. Humaines.

Photo de Simon Berger ©